Antoine Poncet est décédé le 13 août 2022 dans sa 95e année. Lorsque je l’ai rencontré en juin 2022, il était ravi de parler « sculpture » et ses propos ne laissaient pas augurer une fin si rapide.
Une formation atypique
Petit-fils de Maurice Denis, fils de Marcel Poncet, cette ascendance de peintres l’obligeait. Difficile de trouver sa place entre un frère aîné Christophe, adulé par toute la famille et qui meurt prématurément, et le petit frère Gabriel qui deviendra architecte. Lui n’aime pas l’école et son grand-père pense qu’il fera un bon jardinier. À quatorze ans, il s’initie tout seul à la terre glaise et façonne des personnages avec exaltation. Et s’il devenait sculpteur ? Son père l’envoie à Zurich chez Germaine Richier sans doute un peu trop tôt ! Il est vite de retour pour suivre les cours de l’École des Beaux-Arts de Lausanne où son père enseigne, mais le cadre académique ne l’enthousiasme guère. Le directeur est pourtant son parrain, le sculpteur Casimir Reymond ! Il préfère les discussions dans les cafés avec ses camarades. À Paris, Cléopâtre Bourdelle, veuve du grand sculpteur ami de son père, l’accueille dans un atelier du maître resté vacant. Il fréquente brièvement les ateliers d’Ossip Zadkine et de Marcel Gimond sans y trouver son compte. Pourtant, il aime la sculpture et pour s’exercer, il s’installe en 1952 dans l’atelier de Maurice Denis à Saint-Germain-en-Laye.
Des débuts prometteurs
Maintenant, il a besoin de pratique et même la visite fugace chez Brancusi impasse Ronsin en 1951 ou chez Maillol à Marly-le-Roi lorsqu’il était enfant, sont plus des références impressionnantes que des jalons constitutifs de son parcours. Certes, il a des mots civils pour tous ces grands sculpteurs, mais ce ne sont pas ses maîtres.
Il a alors la possibilité de travailler pour Remo Rossi à Locarno ou pour Jean Arp en France. Il choisit Jean Arp qui lui propose d’emblée de lui offrir une voiture pour faire de lui son chauffeur. Loin de s’en offenser, Il en profite pour observer l’artiste au travail comme il l’a fait avec son père en l’aidant à préparer le four destiné à la cuisson des vitraux. Ces tâches modestes le ressourcent tout comme de laver autrefois les pinceaux de son grand-père ou ensuite de balayer son propre atelier ! Finalement, Arp l’engage comme praticien et c’est ainsi qu’il s’épanouit. Il abandonne l’art figuratif et assiste le maître de Meudon durant près de trois années. Mais contrairement à ce dernier, il est attiré par les belles matières, le bronze d’abord, puis le marbre et les autres pierres. La chance résulte de son obstination, et c’est ainsi qu’André Susse l’accueille dans sa fonderie pour pérenniser ses premiers plâtres. Il découvre la ciselure, les beaux reflets des patines et du métal poli.
La route vers la gloire
Ensuite, tout s’enchaîne. Il expose en 1959 dans la galerie d’Iris Clert ses bronzes lumineux, est remarqué par le mécène Nathan Cummings qui l’introduit en Amérique.
Il participe aux plus prestigieux Salons de sculpture et obtient de nombreux prix. Alors que le succès lui sourit, le critique italien Giuseppe Marchiori l’invite en 1964 à Querceta, près de Carrare où il réalise dans les carrières jadis fréquentées par Michel-Ange de grandes sculptures dans son matériau de prédilection.
À l’éloquence du verbe chère à son grand-père il préfère celle du ciseau, aussi bien aiguisé et performant que les langues les plus subtiles. C’est tout naturellement que l’Académie des Beaux-Arts l’accueille en 1993 pour couronner une carrière qui doit tout à sa jubilation de se confronter à la matière pour produire des œuvres élancées qui suscitent l’optimisme et le bonheur de vivre. Ce bonheur, il continue à l’offrir à nos regards comme seul sait le faire un « immortel ».